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De la Bolivie à l'Irlande il n'y a qu'un pas...

Voyage à Uyuni : entre émerveillements et prise de conscience...

Cette fois-ci, je ne sais pas par où commencer . Les moments magiques? Les moments de doutes? Ma prise de conscience? J'ai tellement de souvenirs à raconter et si peu de mots pour leurs donner vie.

Du 5 au 8 décembre, nous avons vécu notre dernier long voyage avec MMB et notre dernière excursion ensemble, avec Adeline... Durant ces quatre jours, de nombreuses émotions se sont entrechoquées dans ma tête, les unes repoussant souvent les autres.

Récit d'un voyage dans la municipalité d'Uyuni, entre émerveillements et prise de conscience.

Voyage à Uyuni : entre émerveillements et prise de conscience...

Il est à peine 2h du matin, ce mercredi 5 décembre, lorsque nous partons pour la municipalité d'Uyuni, département de Potosí. Notre objectif est de nous rendre dans trois communautés disposant d'un centre de santé construit par MMB afin d'offrir des soins gratuits. Deux dentistes et deux médecins, bénévoles, sont prêts à apporter leur aide.

La route est longue et plus nous approchons de la première communauté, Bella Vista, plus elle est en mauvais état. Nous parvenons finalement au poste de santé, construit en 2010, après 8h de trajet. Plusieurs communautés alentours en bénéficient. L'infirmière nous accueille chaleureusement, pourtant, je ne me sens pas à l'aise, comme si je ne devrais pas être ici. Avec Adeline, nous avons même l'impression d'avoir pris la place de docteurs ou de dentistes qui pourraient se rendre utile pour ce peuple. Pourtant, Adeline doit réaliser ses enquêtes d'impact et je dois prendre des photos pour le département communication, ce n'est pas vraiment rien. Mais nous n'avons aucune compétence dans le domaine médical. J'en viens à vouloir retourner à Cochabamba et reprendre mon travail de bureau à l'ONG. C'est du moins ce que je pense au début.

Voyage à Uyuni : entre émerveillements et prise de conscience...

Peu à peu, les patients s'accumulent. Des femmes et des enfants en majorité. Nous nous rendons utiles en passant dans les rues pour annoncer notre venue, en pesant et mesurant les enfants, ou encore en passant le balai. Puis nous commençons à discuter avec eux, de leur mode de vie, de leurs difficultés, de leur communauté etc. Nous apprenons que le quinoa est la culture principale de la région. Il se récolte une fois par an mais les agriculteurs doivent souvent faire face aux aléas du climat ou encore à la venue de parasites ou de prédateurs (comme les lapins). Le moment venu, ils se regroupent pour aller vendre l'ensemble des récoltes à la ville (c'est un peu comme une coopérative). Il est clair que la vie ici n'a rien de simple. La plupart des maisons construites en briques de terre sont usées, le vent qui se lève tous les jours apporte le froid et soulève la poussière et les jeunes n'ont qu'une envie, travailler à la ville. Quant au poste de santé, l'électricité est coupée régulièrement à cause du vent ou de la pluie et il ne dispose que d'une infirmière qui ne peut pas à la fois se rendre là où se trouvent les urgences et ouvrir le poste... C'est d'ailleurs la toute première fois qu'ils voient des médecins et des dentistes. Ces derniers auront quelque 45 patients, et ne s'arrêteront qu'à 20h30...

Et puis, comme presque chaque fois, notre journée s'illumine grâce aux enfants. Ils sont timides au début, mais peu à peu, nous arrivons à créer un lien. Et comme à chaque fois, les laisser derrière nous n'a rien de simple.

Il fait nuit lorsque nous partons. Sur l'altiplano, les chemins n'en sont pas vraiment et il est très facile de se perdre. A un moment, nous nous retrouvons même au milieu d'un champ sans vraiment savoir comment -du moins c'est ce que l'on m'a raconté parce que j'ai dormi tout le trajet...-. Nous n'arrivons au centre de santé de Candelaria qu'aux alentours de 1h30 du matin.

Voyage à Uyuni : entre émerveillements et prise de conscience...

Ce n'est qu'à notre réveil que nous découvrons le village de Candelaria. Il est très différent du précédent. Il semble protégé par les collines environnantes. Jessica (médecin belge), Adeline et moi, passons dans les rues pour prévenir les habitants, puis nous décidons de prendre de la hauteur. Lorsque nous redescendons, il y a déjà une file d'attente pour les dentistes. Là encore, nous apprenons que c'est une première. Quant au médecin, il est absent depuis deux semaines... De nombreux enfants sont présents et semblent intrigués par nos visages d'européennes. Nous leur sourions, leur demandons leur prénom, essayons d'établir un quelconque contact et des petites filles commencent à discuter avec nous. Les dentistes nous confient alors une grande mâchoire en plastique ainsi qu'une grande brosse à dent pour leur donner des conseils d'hygiène. En voyant cela, ils s'attroupent autour de nous et nous leur montrons les gestes pour «un joli sourire» (les dentistes distribuent des brosses à dent à tout le monde). Nous en arrivons alors à l'atelier photo. C'est souvent grâce à cela que nous pouvons partager quelques moments avec eux. Nous les prenons en photo et leur montrons le résultat. Comme à chaque fois, ils sont très curieux. Sur demande expresse, je prête mon appareil à un garçon qui, ravi, commence à tirer le portrait de tout le monde et à prendre tout ce qu'il voit en photo -et le résultat est très intéressant-. Et là, une des petites filles arrive vers moi et me confie sa jeune sœur, qui marche à peine. Pas sauvage pour deux sous, elle se cramponne à mon bras,me sourit et regarde mes cheveux avec beaucoup d'intérêt. Nous sommes alors entraînées dans le village pour une séance photo improvisée. Ces moments-là sont toujours les plus agréables, ils resteront gravés dans nos mémoires à jamais.

Voyage à Uyuni : entre émerveillements et prise de conscience...

C'est dans cette ambiance enchantée, que j'ai pris conscience de nombreuses choses. Je vis en Bolivie depuis plus de 3 mois et demi, je connais leur langue, une partie de leur culture et pourtant il m'a fallu faire ce voyage pour réellement me rendre compte de la pauvreté bolivienne. Jusqu'alors, nous avions assisté à des inaugurations ou à des inspections de moins d'un jour, et même si je gardais les yeux ouverts, j'étais aveuglée par je ne sais trop quoi, l'inconnu peut-être. Aujourd'hui, arriver dans ces villages isolés n'est plus une nouveauté, alors peut-être que mes yeux voient mieux.

C'est en discutant avec Jessica que je commence à comprendre. Nous parlons des enfants et elle nous explique qu'elle a repéré de nombreux signes de malnutrition comme la peau très sèche et abîmée et une décoloration des cheveux. Naïvement, je pensais que les parents de cette petite fille aux cheveux noirs avec des mèches rousses avaient simplement des goûts bizarres... Sachant cela, je remarque immédiatement que cette petite fille est loin d'être la seule. Il y a notamment un frère et sa sœur qui paraissent particulièrement touchés. Ils sont en plus porteur de boutons qui seraient dus au manque d'hygiène. A partir de ce moment, mon regard s'élargit encore un peu plus, il voit mieux, il voit encore plus loin, il transmet plus d'informations à mon cerveau, qui a encore du mal à les accepter.

Nous dialoguons ensuite avec le médecin du centre (qui est finalement arrivé). Dans la matinée, une des petites filles nous a dit que sa sœur avait une grippe et nous lui avons conseillé de l'amener au centre, ce qu'elle a fait. Le docteur nous apprend qu'il y a peu de temps, cette jeune femme a accouché seule chez elle et a étranglé le bébé... Sur le coup, je n'étais pas certaine de bien comprendre, mais c'était malheureusement la réalité. Pour quelles raisons l'a-t-elle fait, nous ne le saurons jamais. Cependant, les infanticides et les avortements clandestins (c'est illégal en Bolivie) semblent être une dure réalité ici.

Voyage à Uyuni : entre émerveillements et prise de conscience...

Comme pour nous aérer l'esprit, nous décidons d'aller voir derrière une colline. Il semblerait qu'on puisse voir le Salar qui n'est qu'à 30 minutes d'ici. Nous grimpons et apercevons une démarcation blanche entre le ciel et la terre. Nous restons ici à observer les alentours jusqu'à ce qu'un orage et un vent très fort soulevant la poussière nous délogent. Nous retournons au centre où les dentistes continuent leur dur labeur. Adeline entreprend de discuter avec le médecin en titre pour ses enquêtes mais une petite fille refuse de la lâcher. Je décide alors de l'embarquer, et pour l'occuper je la fais tourner. Grande idée! Les enfants affluent pour que je leur fasse la même chose. J'ai passé un très bon moment mais mon épaule droite me rappelle aujourd'hui que je ne suis pas wonder woman... Et puis c'est l'heure du départ, avec ces petites filles qui nous font un bisou et que nous prenons dans nos bras...et ce petit garçon en retrait à qui je propose un câlin qu'il accepte immédiatement...ce petit qui marche à peine et court vers moi avec un immense sourire pour me faire claquer un bisou...et pour que je le fasse tourner encore! Ce sont ces moments magiques qui nous empêchent de fermer les yeux.

Vient alors le tour du Salar d'Uyuni. C'est une autre forme d'émerveillement qui m'attend ici. Nous sommes le vendredi 7 décembre. Il est 9h lorsque nous embarquons dans un 4x4, direction le site bolivien le plus connu des français.

Voyage à Uyuni : entre émerveillements et prise de conscience...

Selon Jessica, le Salar est grand comme 3 fois la Belgique. Nous y entrons et plus le 4x4 avance plus j'ai l'impression qu'au moindre craquement nous pourrions être submergés. C'est un peu comme si nous roulions sur un lac gelé, un lieu fragile alors que le sel fait entre 1 et 8 mètres d'épaisseur et qu'il n'y a pas d'eau dessous. Nous nous enfonçons toujours plus dans cette étendue sauvage et avons l'impression qu'elle est infinie. Je suis obligée de mettre mes lunettes de soleil pour continuer à l'admirer. Tout est tellement plat que les quelques autres véhicules que nous voyons semblent être à notre portée alors qu'ils sont à des kilomètres de là.

Voyage à Uyuni : entre émerveillements et prise de conscience...

Nous arrivons finalement à ce qu'ils appellent «la isla del pescado» (parce qu'elle a une forme de poisson). Recouverte de cactus plus ou moins grands , pointant vers le ciel, elle nous offre une vue à 360° sur le Salar. Nous reprenons ensuite la route et notre chauffeur nous explique que nous avons de la chance. Il a plu la nuit précédente ce qui rend ce désert de sel paradisiaque. Pas au sens, coquillages et crustacés, mais plus au sens d'un véritable paradis naturel. C'est du moins l'image que moi je m'en fais : une large étendue qui oscille entre le bleu et le blanc, sens dessus-dessous parce que le ciel se reflète dans le sol comme dans un miroir. Le Machu Picchu était magique et le lac Titicaca était fascinant, mais ce paysage uniquement dû aux années qui ont passé, sans aucune intervention humaine, est enchanteur! Nous passons par l'hôtel de sel que j'imaginais bien plus grand et blanc -allez savoir pourquoi...-, et en profitons pour prendre les photos de circonstance. Puis il est temps de quitter ce paradis pour nous rendre dans une dernière communauté. En sortant, nous passons par le lieu touristique par excellence, plutôt oppressant. La majorité des gens présents sont des étrangers -d'ailleurs il paraîtrait que les français soient les plus radins...-. Mais le plus important n'est pas là, heureusement!

Voyage à Uyuni : entre émerveillements et prise de conscience...

Nous n'arrivons à Coroma qu'à la tombée de la nuit. Là encore, le paysage est différent, encore un peu plus enclavé. Nous y rencontrons un jeune médecin qui fait son « campo ». En Bolivie, les docteurs fraîchement diplômés doivent effectuer un an au cœur de la campagne bolivienne. A mon sens, et pour en avoir rencontré plusieurs, je peux dire que c'est une expérience profitable pour eux mais aussi pour leur pays.

Le froid nous saisit alors que nous allons nous coucher, mais emmitouflée dans le sac de couchage, je passe une nuit sans nuages. Au matin, les dentistes continuent leurs consultations. N'ayant pas besoin de notre aide nous prenons de la hauteur -oui, encore!-, et nous nous asseyons là, simplement pour réfléchir à tout ce que nous avons vécu jusqu'ici. Je suis très admirative du travail des médecins. Ils font un métier qui leur permet de se sentir utile et qui leur donne l'opportunité d'aider ceux qui en ont besoin. Et plus encore les docteurs boliviens, quelle que soit leur spécialité, qui me paraissent tellement passionnés. Les dentistes qui voyagent avec nous sont totalement volontaires. Ils laissent de côté leur cabinet durant 4 jours pour pouvoir venir en aide à ces populations reculées. Sur les trois communautés, ils ont vu plus de 100 patients...

Voyage à Uyuni : entre émerveillements et prise de conscience...

Lorsque nous redescendons de notre perchoir, nous tombons sur un petit garçon qui pleure tout ce qu'il peut -il sort certainement de chez le dentiste...-, et qui va se cacher derrière le centre. Nous le rejoignons et ne sachant pas trop quoi faire je pose ma main sur son épaule. C'est alors qu'il se jette dans mes bras pour chercher un peu de réconfort. Le pauvre venait de voir un dentiste pour la première fois et semblait choqué. Avec Adeline, nous tentons tant bien que mal de le calmer mais c'est peine perdue. Nous restons ainsi jusqu'à ce que sa mère arrive et l'emporte avec elle. C'est une petite fille qui, un peu plus tard, ressortira du dentiste tellement choquée qu'elle ne parlait plus et ne pleurait même pas. Je crois que la peur du dentiste est universelle...

Voyage à Uyuni : entre émerveillements et prise de conscience...

Ce samedi là nous n'arrivons à Cochabamba qu'à minuit. Ce périple de quatre jours fût riche en émotion. J'ai pris claque sur claque, mais j'ai aussi et surtout vécu des moments inoubliables. Les voyages sont formateurs...du moins quand on garde les yeux bien ouverts.

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